La pièce bruxelloise
originale, Le Mariage de Mlle
Beulemans, est une comédie charmante
et savoureuse écrite en 1910 par Frantz Fonson
et Fernand Wicheler. Elle a connu un succès foudroyant
et jouit toujours, en Wallonie et à Bruxelles,
d'une immense popularité comparable à
l'engouement phénoménal des Québécois
pour Broue.
La comédie la plus jouée
du répertoire théâtral belge
Le Mariage
de Mlle
Beulemans est la comédie la plus jouée
au monde du répertoire théâtral
belge : on y rit autant de la belgitude et du parler
coloré de la capitale bruxelloise que du Français,
ce proche voisin du sud si bon discoureur et si cultivé,
adulé et détesté à la fois,
tant au pays de l’hiver qu'au Plat pays.
Quatorze adaptations
La pièce a aussi été
jouée partout à travers le monde : en
français - avec l'accent bruxellois - par des
troupes itinérantes, ou adaptée par des
troupes locales, nécessitant quatorze adaptations
et traductions. Il fut une époque où elle
était produite sur plusieurs scènes parisiennes
en même temps, dépassant les 500 représentations,
record de longévité de l'époque.
Décidément, une
adaptation pour le Québec s'imposait. Après
bientôt cent ans, il était temps !
Le Mariage
de Marie à Gusse à Baptisse est
donc la quinzième adaptation du Mariage
de Mlle
Beulemans, mais la première en une variante
du français.
Un chef-d’œuvre
Cette comédie a ses
lettres de noblesse puisque Marcel Pagnol de l'Académie
française l'a qualifiée de chef-d’œuvre
et s’en est inspiré pour écrire
sa trilogie Marius, Fanny
et César, notamment
pour le personnage de M. Brun, Lyonnais plongé
dans l’univers marseillais, qui rappelle ce Parisien
parachuté en pleine atmosphère bruxelloise
ou dans la Beauce du début du siècle passé.
C’est toute la perspective
à la fois régionale et universelle qui
avait alors séduit Pagnol.
Marcel Pagnol adressa le message
suivant au public bruxellois en 1960 pour le cinquantenaire
de la pièce1 :
Vers 1925, parce que je me sentais
exilé à Paris, je m'aperçus que
j'aimais Marseille et je voulus exprimer cette amitié
en écrivant une pièce marseillaise.
Des amis et des aînés
m'en dissuadèrent : ils me dirent qu'un ouvrage
aussi local, qui mettait en scène des personnages
affublés d'un accent aussi particulier, ne
serait certainement pas compris hors des Bouches-du-Rhône,
et qu'à Marseille même, il serait considéré
comme un travail d'amateur. Ces raisons me parurent
fortes et je renonçai à mon projet :
mais en 1926, je vis jouer Le
Mariage de Mlle Beulemans; ce chef-d’œuvre
(sic) avait déjà 16 ans et son succès
avait fait le tour du monde.
Ce soir-là, j’ai compris
qu’une œuvre locale, mais profondément
sincère et authentique pouvait parfois prendre
place dans le patrimoine littéraire d’un
pays et plaire dans le monde entier.
J'ai donc essayé de faire
pour Marseille ce que Fonson et Wicheler avaient fait
pour Bruxelles, et c'est ainsi qu'un brasseur belge
est devenu le père de César et que la
charmante Mademoiselle Beulemans, à l'âge
de 17 ans, mit au monde Marius. Il y a aussi un autre
personnage qui doit la vie à la comédie
bruxelloise : c'est M. Brun qui est assez paradoxalement
le fils naturel du parisien Albert Delpierre. J'avais
en effet remarqué que son accent faisait un
plaisant contraste avec celui de la famille Beulemans
et qu'il mettait en valeur la couleur bruxelloise
de la pièce. C'est pourquoi, dans le bar marseillais
de César, j'ai mis en scène un Lyonnais.
Sacha Guitry qui est le plus grand
homme de théâtre de notre temps et un
spirituel moraliste, a dit un jour: « La
reconnaissance est une maladie de chien. »
Je sais par expérience qu'elle attaque parfois
les hommes et je puis affirmer qu'elle n'est pas douloureuse,
car je n'ai pas manqué de dire publiquement
tout ce que je dois à Jean-François
Fonson et à Fernand Wicheler. Je suis particulièrement
heureux de l'avoir répété ce
soir.
Voir Mlle
Beulemans
La pièce originale,
Le Mariage de Mlle
Beulemans, est une exclusivité de la Compagnie
des Galeries et du Théâtre
royal des Galeries de Bruxelles.
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1. FONSON, Frantz et Fernand WICHELER, Le Mariage
de Mlle Beulemans, Bruxelles, Labor, 1991, pp.
196-197 et LA TRADITION RÉINVENTÉE,
Les 50 ans de la Compagnie des Galeries, Le Cri
Éd., 2003, p. 82.
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